Un jour, à l’ombre du manguier servant de QG aux vieux du village, un vieux sage me surprit par une question. Mon enfant connais-tu la tragédie du roi fainéant me dit-il. Non grand-père lui ai-je répondu.
Écoute mon enfant les rois se suivent mais ne se ressemblent pas. Tous occupent le fauteuil de roi, portent le costume de roi, tous disposent des ressources humaines et matérielles du royaume. Tous ont l’histoire du royaume, ses traditions et les combats des anciens pour éclairer leur chemin. Enfin tous ont la responsabilité de veiller aux intérêts du royaume et de ses enfants et de le perpétuer en le renforçant durant leur règne. Voilà mon enfant l’héritage et les responsabilités de chacun des rois. Voyons ce qu’en fait le roi fainéant, l’objet de notre causerie du jour.
D’abord le roi est impressionné par le palais, le trône et toute l’opulence que cela procure. Pour lui le trône est une fin en soi et non un moyen pour agir et faire pour la grandeur du royaume.
Le roi fainéant se gave des ressources du royaume car sachant ce qu’il fait il se dit que les ressources du royaume ne vont guère tarder à se tarir. Ainsi il se précipite pour mettre à l’abri femme et enfants en détournant le plus possible le denier public. En bon roi fainéant il se taille la part du lion et laisse les miettes à son peuple.
Le roi fainéant a un amour profond pour les honneurs. Pour lui les honneurs ne se méritent pas par le labeur, l’exemplarité, la grandeur des actes mais s’octroient plutôt par le privilège du trône. Cet amour des honneurs le plonge dans un déni de réalité ressemblant à un profond sommeil. Il se glorifie de la grandeur passée du royaume œuvre de rois travailleurs sans suivre leur exemple dans les faits. En effet en bon roi fainéant il préfère se glorifier de l’œuvre des morts plutôt que d’œuvrer lui même à renforcer le royaume. Lui, le roi, occupé à être roi, n’a pas point le temps des oeuvres à part celles destinées à mettre de la poudre aux yeux du monde et de ses habitants du royaume. Clamer la grandeur de son royaume plutôt qu’œuvrer à le faire grand. Clamer la grandeur de son armée plutôt que de travailler à se doter d’une grande armée. Clamer son amour du royaume tout en étant son premier fossoyeur. Je peux continuer ainsi mon enfant mais je pense que tu as compris la logique du roi fainéant. Ainsi le roi fainéant devient la risée de ses pairs bosseurs qu’il croisent lors des rencontres entre rois du monde. Hélas cela n’est pas de nature à le faire changer de trajectoire. Tout semble glisser la peau dure et épaisse du roi fainéant vivant dans sa bulle dorée.
Le roi fainéant, tu sais mon garçon, a un incroyable pouvoir d’attraction sur les courtisans de tout acabit. Ceux-là il les attires avec une facilité qui n’a d’égale que sa capacité à repousser les braves filles et fils du royaume qui ne veulent pas échanger leur dignité au profit du roi qui n’est grand que par le seul fait du trône. La longévité des courtisans du roi fainéant se mesure à leur docilité. Plus ils sont dociles plus ils trouvent grâce aux yeux du roi et de son entourage.
Mon enfant, il y a un endroit sur terre où les rois fainéants sont légion. Partout où on en rencontre c’est toujours le même spectacle. La même logique qui veut que les petites gens passent après le tout puissant roi et ses courtisans. Tant pis si les miettes laissent ces petites gens affamées et sans perspective. Après tout que vaut la vie de millions de gens insignifiants devant le confort du roi fainéant ? Rien ! Nada ! Poutèrè !
Voilà cher enfant la tragicomédie du roi fainéant.
Mais mon garçon les anciens nous ont appris que ces petites gens, le peuple, sans trône ni argent disposent d’une force insoupçonnée capable de déplacer des montagnes et de défaire n’importe quel joug. Arrivera un jour où ces petites gens se saisissant de cette force se mettront à l’unisson pour se dessiner un destin. Ce jour là sera enterré à jamais le règne des rois fainéants dans cet endroit de la terre. D’après les signes décrits par les anciens ce grand jour est proche. Les rois fainéants ne tarderont pas s’écrouler sous le poids de leurs propres bêtises.
Sur ces mots, perturbé mais avec l’espoir de lendemains meilleurs j’ai pris congé du vieux du village.
Une pensée à tous les peuples vivant sous le règne d’un roi fainéant et à Thomas Sankara le parfait opposé du roi fainéant.
Faites bon usage des paroles du vieux de mon village.