De nombreux africains furent indignés par les propos tenus à la télévision par deux médecins français, les Professeurs Camille Locht Jean-Paul Mira. Lors de la séquence ce dernier demande à son confrère : «Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs sur certaines études avec le sida, ou chez des prostituées : on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées. Qu’est-ce que vous en pensez ? » Puis son confrère Locht, à son tour, répond : « Vous avez raison, d’ailleurs. On est en train de réfléchir en parallèle à une étude en Afrique avec le même type d’approche, ça n’empêche pas qu’on puisse réfléchir en parallèle à une étude en Europe et en Australie ».
Ces propos déplacés et racistes témoignent du mépris dont l’Afrique et les africains font l’objet de la part de certains en Occident. La vague d’indignations et de condamnations qui s’ensuivit de la part notamment de jeunes africains est certes salutaire mais cela ne devrait aucunement nous empêcher d’effectuer notre propre autocritique. Avant de revenir à nos responsabilités et les leçons qui devons tirer de cette crise mondiale causée pour le coronavirus traitons la question des évaluations commanditées par des firmes et laboratoires étrangers de vaccins et des médicaments sur nos populations.
Pas de tests ou des tests encadrés ?
A l’heure actuelle l’Afrique est le continent le moins touché par la pandémie de coronavirus qui a fait des milliers de morts en Amérique et en Europe. Cette dernière connaît une véritable hécatombe malgré une solidité relative des systèmes de santé européens. Les malades dont certains cas très graves s’y comptent par milliers. Ainsi le reste du monde ne manque vraiment pas de sujets pour effectuer des essais cliniques. Et toute tentative d’évaluations exclusivement destinées à l’Afrique deviendrait suspecte et devrait être empêchée par nous Africains. Cependant nous ne devrions pas être complètement fermés aux essais cliniques. En effet cela pourrait aller à l’encontre des intérêts de nos populations. Nos autorités politiques et sanitaires devraient plutôt travailler à la mise en place d’un cadre réglementaire pour ces essais. Ce cadre devrait inclure des mesures comme la mise en place d’un comité d’éthique, le consentement libre et éclairé des participants, un engagement à ne pas exposer les patients à des risques disproportionnés (nous ne sommes pas des rats de laboratoire), des sanctions pécuniaires en cas de manquement aux règles et le partage des résultats avec les experts locaux. Enfin ces mesures devraient être accompagnées par des contreparties comme un accès à des prix préférentiels à ces médicaments une fois sur le marché.
La mise en place d’un tel cadre dont la mise en place requiert une forte volonté politique qui hélas fait souvent défaut sur le continent. A défaut si nos populations sont utilisés comme des cobayes si nous devrions d’abord en vouloir à nos dirigeants qui n’ont pas réussi à les protéger.
Systèmes politiques prédateurs et santé au rabais pour la majorité
L’essentiel des régimes politiques sur le continent sont des systèmes de prédation. Dans ces systèmes une minorité, des hommes politiques, leurs familles ainsi que leurs complices du monde des affaires s’accaparent les maigres ressources des pays. Dans le confort de leur bulle dorée ces prédateurs ne se refusent rien aucun privilège. Shopping sur les magasins de luxe du monde entier, achat de biens immobiliers aux quatre coins du monde. Leurs enfants sont scolarisés à l’étranger ou dans des écoles privées donc en partie à l’abri de l’école publique minée par des problèmes de tout genre. Toute cette clique préfère les hôpitaux étrangers, ceux des pays qui investissent dans leur système sanitaire à leurs hôpitaux sous équipés et parfois même dangereux pour les patients. Tant pis si les évacuations sanitaires représentent un coup dur pour nos maigres ressources.
Tout cela a une conséquence dévastatrice. La dévalorisation de l’effort, du mérite. Le paysan, l’enseignant, le médecin, le chef d’entreprise honnête tous sont moins valorisés que le politicien ou le fonctionnaire véreux.
Voilà ce qui a conduit nombre de nos pays dans une situation de fragilité telle que le monde entier se demande nous allons affronter la pandémie de Covid-19. Les analyses les plus folles sont élaborées dans certaines chancelleries. Tels des charognards certains rêvent de voir nos pays s’écrouler afin d’y renforcer leur mainmise.
La promiscuité de nos modes de vie, la structure de nos économies, la fragilité de nos systèmes sanitaires et notre forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur en matière d’approvisionnement de biens manufacturés et de première nécessité sont de nature à susciter l’inquiétude. Les mesures de confinement observés dans les pays développés seront extrêmement difficiles à mettre en oeuvre sous nos cieux. Il nous reste donc la sensibilisation des populations afin qu’elles puissent observer le plus possible les mesures barrières et une mise en quatorzaine rigoureuse des personnes contaminées ainsi que leurs contacts. Le facteur chance pourrait également s’avérer décisif. En effet le monde entier fait la course pour la recherche d’un traitement contre le virus. Avant que le continent soit submergé par le nombre de malades un traitement pourrait voir le jour. En attendant cela nos pays devraient commencer à s’approprier les protocoles de traitement en cours de validation dans les pays les plus touchés. A ce titre nous devrions accorder une attention particulière au protocole à base d’hydroxychloroquine proposé par le Pr Raoult et son équipe.
Le jour d’après
Quoi qu’il arrive à l’issue de cette crise nous devrions en tirer les leçons et modifier profondément nos systèmes de santé. La recherche et l’enseignement supérieur, la valorisation de la médecine traditionnelle africaine et la création d’une véritable industrie pharmaceutique sont des axes à privilégier. Afin de nous donner toutes les chances d’y arriver nous devrions unir nos forces en menant les chantiers ensemble aux niveaux sous-régional et continental.