Souvent on est militaire, commerçant, médecin, enseignant ou paysan de père en fils. C’est la force des modèles, de l’exemple, de quelque chose auquel on peut s’identifier. On a tendance à imiter mais pas toujours d’une manière consciente un modèle qui résonne avec nous. Cette force des modèles va clairement au-delà du cercle familial pour s’étendre au quartier, à la commune, à la ville ou au pays entier.
Quand on a Samuel Etoo ou Seydou Keita comme modèle on aspire à être footballeur professionnel. Quand on a des hommes ou femmes s’étant enrichis par la politique on cherche également à s’enrichir par la politique. Et si on a Bill Gates ou Steve Jobs comme modèles de réussite cela donne des entrepreneurs comme Mark Zuckerberg ou Elon Musk.
Cette logique est implacable et explique de nombreux comportements regrettables que nous observons au sein de la société malienne. Je ne lui jette nullement la pierre mais interpelle plutôt tous ceux qui sont en position d’agir pour exploiter cette loi de la nature pour créer une impulsion nouvelle susceptible d’orienter notre société dans le sens que nous souhaitons.
Les récits des griots, dépositaires de notre histoire, sont remplis de modèles ayant joué des rôles importants dans notre histoire en tant que peuple. Ils enseignent l’amour du travail, le respect du bien commun et de la parole donnée, la dignité ou l’importance pour chacun de jouer pleinement sa partition dans la communauté. Qui voulait devenir riche s’illustrait dans les champs et celui qui voulait être chef de guerre gagnait ses galons sur les champs de bataille. En remontant dans le temps, chez les peulhs ou les bambaras par exemple beaucoup préféraient mourir en gardant intacts leur honneur et leur dignité plutôt de prendre la fuite. Ce n’était point exceptionnel car la société valoriserait ce genre d’actes.
Dans le Mali actuel le même phénomène de reproduction opère mais avec des modèles différents. Parmi les modèles phares de notre société actuelle on trouve en très bonne place l’enrichissement par le denier public. La règle est simple. On remue ciel et terre pour occuper une fonction dans le secteur public. Une fois le sésame décroché le miracle s’opère. Ainsi on passe de celui qui avait du mal à finir les mois à celui qui fait du shopping sur les Champs-Elysées avec sa famille sans que ce changement radical de niveau de vie puisse s’expliquer par la rémunération de la nouvelle fonction. Quiconque vécut longtemps au Mali aura vu ou entendu parler d’un cas similaire au moins une fois. La magie ne tarde pas à opérer sur l’entourage. Jeunes et moins jeunes intègrent vite qu’eux aussi doivent emprunter la même voie pour se faire une situation. C’est le rêve malien.
L’autre modèle qui n’est pas sans rapport avec le précédent est l’érection en règle absolue du salariait pour ceux qui ont eu la chance d’aller à l’université et d’y décrocher un diplôme. Chaque année nous produisons une génération de jeunes diplômés qui viennent, pour l’essentiel, gonfler les rangs de leurs aînés qui patientent dans les grins en attendant que l’Etat ou une entreprise privée veille bien les embaucher. Pendant ce temps l’entrepreunariat est laissé essentiellement à ceux qui n’ont les diplômes requis pour exercer dans la fonction publique ou dans les entreprises privées requérant un diplôme universitaire. Pourtant notre pays a grandement besoin d’entrepreneurs pour résoudre les problèmes qui ne manquent pas.
Les actes et l’exemplarité parlent plus haut que nos paroles. Nous devons, en tant que nation, être attentifs à ce que nous mettons en avant par nos actes et nos récits. La réussite, quelque soit la définition qu’on lui donne, doit être fonction du mérite et de l’effort. Chacun croira ainsi à ses chances d’y arriver en travaillant et nous sortirons du cercle vicieux que nous connaissons actuellement.